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Le Contrôle d’Activité du chirurgien-dentiste : le guide pratique

Le Contrôle d’Activité : Pourquoi ? Pour qui ? Comment ?

 

« L’Assurance Maladie, gestionnaire de fonds sociaux, dispose d’un devoir de contrôle de l’ensemble des paiements qu’elle réalise, dont notamment ceux issus de l’activité de professionnels de santé  libéraux, mais également salariés. » (source : charte du contrôle d’activité des professionnels de santé par l’Assurance Maladie)

Depuis quelques années, la lutte contre la fraude constitue « un axe d’action prioritaire » pour l’Assurance Maladie. En 2019, toutes actions confondues, ce sont 286,7 millions d’euros qui ont été récupérés. Soit + 25 millions d’euros par rapport à 2018.

Concernant notre profession, nous devrions disposer de statistiques propres d’ici 2023. La crise sanitaire a fortement ralenti les plans d’action décidés au niveau national, comme régional, sur des thématiques précises (abcès parodontaux, Cone-beam…). Ils visaient principalement les chirurgiens-dentistes libéraux. Depuis, les plans d’action ont été relancés avec de nouveaux programmes de contrôle-contentieux à destination également des centres de soins dentaires.

« Les plans de contrôle nationaux sur les centres de santé : Dans le cadre de l’engagement COG de renforcer la prévention de la fraude et compte-tenu d’une affaire de fraude de centres de santé dentaire largement médiatisée, la Cnam a engagé en 2018 un programme national pérenne de contrôle-contentieux des centres de santé dentaire à visée préventive et dissuasive. Le programme concerne les centres de santé dentaire récemment ouverts ou les centres dont les manquements graves persistent malgré des sanctions prononcées lors d’un précédent contrôle. Ce programme permet de repérer deux fois par an les CSD les plus atypiques (22 centres repérés à ce jour) et de lancer les investigations nécessaires auprès des centres et des chirurgiens-dentistes qui y exercent. »

(source : 2020-07_rapport-propositions-pour-2021_assurance-maladie)

Ainsi, l’Assurance Maladie étoffe chaque année sa stratégie en mobilisant des ressources de plus en plus complexes (échanges de données entre les administrations, datamining et même plus récemment recours au big data) destinées à détecter des données atypiques et aberrantes.

S’ensuit « un travail d’investigation souvent long (6 mois, souvent 18 et parfois beaucoup plus, notamment quand l’affaire fait l’objet d’une plainte pénale), avec un travail préparatoire toujours important. ». « Les sanctions, quant à elles, sont proportionnées à la gravité des faits : pénalités financières et avertissements (7 331 en 2018), actions vers les ordres professionnels (180 plaintes ordinales et 61 signalements), voies pénales (dépôt de 577 plaintes) »

(Source : Dossier de presse Bilan 2018 des actions de lutte contre la fraude et actions de contrôles.)

 

Ainsi si vous êtes contrôlé c’est en raison :

  • Soit de l’atypisme de votre exercice, dont les données statistiques contrastent avec les référentiels locaux, régionaux et nationaux ;

  • Soit en raison d’un programme thématique de contrôle, établi par la CNAM ;

  • Soit faisant suite à un signalement.

 

Comment se déroule un contrôle de la Sécurité sociale ?

 

Les contrôles d’activité des chirurgiens-dentistes libéraux, mais également salariés, font donc partie des missions du chirurgien-dentiste conseil. Ils sont encadrés par de nombreux articles, dont les articles L.315-1-IV et suivants du Code de la Sécurité Sociale.

L’Article L.315-1, alinéa I, du CSS, dispose :

« Le contrôle médical porte sur tous les éléments d’ordre médical qui commandent l’attribution et le service de l’ensemble des prestations de l’assurance maladie, maternité et invalidité ainsi que des prestations prises en charge en application des articles L.251-2 (bénéficiaires de l’aide médicale de l’Etat) et L.254-1 (soins urgents dispensés dans les établissements de santé à des personnes qui relèvent de l’aide médicale de l’Etat) du code de l’action sociale et des familles ».

L’Article L.315-1, alinéa II, du CSS :

« Le service du contrôle médical constate les abus en matière de soins, de prescription d’arrêt de travail et d’application de la tarification des actes et autres prestations. »

Article R.613-55 du CSS :

« Le contrôle médical que les caisses de base doivent assurer en vertu de l'article L. 613-13 porte sur tous les éléments d'ordre médical qui commandent l'attribution et le service des prestations et notamment sur l'appréciation faite par le médecin traitant de l'état de santé et de la capacité de travail des bénéficiaires du régime, sur les moyens thérapeutiques et les appareillages mis en œuvre, sur les abus en matière de soins et de tarification des honoraires, sur le respect des dispositions de l'article L. 162-4, de la nomenclature générale des actes professionnels et des conventions liant aux caisses les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sage-femmes, les auxiliaires médicaux et les établissements de soins. Le service du contrôle médical procède en outre à une analyse sur le plan médical de l'activité des établissements entrant dans le champ d'application de l'article L. 162-29 et dans lesquels sont admis des bénéficiaires de l'assurance maladie. »

 

Le déroulement de la procédure en détail

  1. Par lettre recommandée avec accusé de réception, le Service Médical informe le praticien de son contrôle d’activité et « qu’un certain nombre de ses patients est susceptible d’être convoqué ». La liste desdits patients doit alors lui être communiquée (sauf lorsque l’analyse a pour but de démontrer l’existence d’une fraude telle que définie à l’article R.147-11). Le Service Médical demande alors communication de pièces « documents, actes, prescriptions et éléments relatifs à l’activité » sur une période définie (Art R 315-1-1 du CSS).
     

  2. « À l’issue de cette analyse, le service du contrôle médical informe le professionnel concerné de ses conclusions » (Art. R.315-1-2 du CSS). Si des anomalies sont constatées, « la Caisse notifie au professionnel les griefs retenus à son encontre, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
     

  3. « Dans le délai d’un mois qui suit la notification des griefs, l’intéressé peut demander à être entendu par le service du Contrôle Médical ».
     

  4. Si le praticien sollicite cet entretien, « le service du contrôle médical communique au professionnel de santé contrôlé, l’ensemble des éléments nécessaires à la préparation de cet entretien, comportant notamment la liste des faits reprochés et l’identité des patients concernés » (art D.315-2 du CSS).
     

  5. Lors de l’entretien prévu à l’article R.315-1-2, « le professionnel de santé contrôlé peut se faire assister par un membre de sa profession » (inscrit au tableau de l’Ordre des chirurgiens-dentistes) (Art D.315-1 du CSS) mais également par un avocat inscrit au barreau (loi du 31/12/1971 et arrêt du Conseil d’Etat n°304426 du 29 oct 2008)
     

  6. Cet entretien fait l’objet d’un compte-rendu qui est adressé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au professionnel de santé dans un délai de quinze jours. À compter de sa réception, le professionnel de santé dispose d’un délai de quinze jours pour renvoyer ce compte-rendu signé, accompagné d’éventuelles réserves. « À défaut, il est réputé approuvé » (Art. D.315-2 alinéa 2 du CSS)
     

  7. À l’expiration des délais prévus « la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu’elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. À défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé » (Art. D.315-3 du CSS)
     

  8. Les suites possibles sont alors :

 

  • Rappel à la réglementation,

  • Procédure de récupération d’indus,

  • Pénalités financières,

  • Saisie de la Section d’Assurances Sociales SAS de la CDPI,

  • Plainte au pénal (suspicion de fraude, actes de mutilation…).

 

Le Contrôle d’Activité : quelles conséquences

 

Un contrôle d’activité ne doit pas être pris à la légère. Si vos données statistiques ont attiré l’attention du Service Médical, vous devez vous préparer à vous en justifier.

Certes la procédure répond aux règles de droit commun, dont le respect du principe de la présomption d’innocence (article 4 de la charte du professionnel de santé contrôlé), mais vous allez vite être confronté(e) à la suspicion du Service Médical à votre égard.

 

La répercussion sur votre agenda

La première des conséquences est donc temporelle : vous devez vous organiser pour libérer du temps dans votre agenda déjà bien surchargé, car vous allez devoir répondre d’une manière très précise et dans un délai très court (1 mois) aux demandes de renseignements du Service Médical.


Il vous faudra :

  • reprendre les dossiers médicaux des patients,

  • renseigner les tableaux de renseignements, ligne par ligne,

  • communiquer les documents radiographiques demandés, pourvus de toutes les indications médico-légales dont la date et la localisation,

  • les comptes-rendus des cone-beam, etc…

 

Les implications financières du contrôle

 

La seconde conséquence est financière : outre le temps consacré à répondre au Service Médical qui va vous éloigner de votre fauteuil, la procédure de contrôle d’activité se solde le plus souvent par une récupération d’indus, parfois majorée, selon la gravité des anomalies retenues, d’une pénalité financière pouvant atteindre 70 % des sommes portées en indu…

Si, à l’issue de la procédure précontentieuse, le Service Médical et la Caisse, décident conjointement de vous traduire devant la Section d’Assurance Sociale de la Chambre Disciplinaire de Première Instance du Conseil Régional de l’Ordre, les sanctions encourues peuvent être lourdes de conséquences.

En effet, les sanctions prévues sont visées par l’article L 145-2 du CSS :

  1. l'avertissement ;

  2. le blâme, avec ou sans publication ;

  3. l'interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux ;

  4. dans le cas d'abus d'honoraires ou d'actes ou prestations réalisés dans des conditions méconnaissant les règles prévues à l'article L. 162-1-7, le remboursement à l'assuré du trop-perçu ou le reversement aux organismes de sécurité sociale du trop-remboursé, même s'il n'est prononcé aucune des sanctions prévues ci-dessus.

Les sanctions prévues aux 3° et 4° ci-dessus peuvent faire l'objet d'une publication.

 

Ainsi, il n’est pas rare de voir des peines d’interdiction de dispenser des soins aux assurés sociaux (autant dire à tous les patients sauf à quelques rares exceptions) de plus de 3 mois, pour des récupérations d’indus assez modestes.

Les conséquences financières sont alors très importantes : privé(e) de revenus, tandis que les lourdes charges du cabinet continuent de courir, vous ne pourrez, ni vous faire remplacer, ni donner des soins à titre gracieux, ni vous faire aider par un collaborateur, et ce, même si vous exercez en société. C’est ce qu’a rappelé un arrêt du Conseil d’Etat du 13 avril 2018.

 

Les bons réflexes à avoir lors d’un contrôle CPAM

 

  1. Vous avez été informé(e) par lettre recommandée avec accusé de réception, de votre contrôle d’activité. Dès lors, tous vos échanges avec le Service Médical devront se faire par courrier recommandé, avec avis de réception, également.
    Aucun échange par téléphone, hormis la prise de convenances quant à la fixation de la date d’entretien.

     

  2. Conservez tous les courriers échangés, copie des vôtres, ainsi que les enveloppes et preuves de dépôts.
     

  3. Informez votre assureur en RCP de votre contrôle.
     

  4. Rassemblez les documents demandés et ne répondez qu’aux questions posées sans zèle. Ces documents doivent être adressés au chirurgien-dentiste conseil en charge du contrôle, sous pli confidentiel, en recommandé avec avis de réception, et à personne d’autre.
     

  5. Contactez les patients convoqués (la liste a dû vous être communiquée préalablement par le Service Médical) afin de les rassurer sur la procédure engagée à votre encontre.
     

  6. À l’issue de cette analyse, si le service du contrôle médical vous notifie certains griefs (par courrier RAR), vous disposez alors d’un mois pour demander à être entendu.
    Cet entretien est très important, car il sera l’ultime occasion de vous expliquer sur les faits reprochés. Pour autant, ne vous précipitez pas sur votre téléphone pour prendre rendez-vous. Utilisez ce délai d’un mois qui vous est accordé. Ce sera autant de temps mis à profit pour préparer cet entretien.

     

  7. Préparez très soigneusement cet entretien qui sera toujours une épreuve. Le Service Médical doit vous adresser toutes les pièces utiles.
     

  8. Ne vous rendez pas seul à cet entretien. L’article D.315-2 du CSS, vous permet d’être assisté(e) d’un chirurgien-dentiste inscrit au Tableau de l’Ordre, ou d’un avocat inscrit au Barreau (loi du 31/12/1971 et arrêt du Conseil d’État n°304426 du 29 oct 2008). À défaut de pouvoir répondre à votre place aux questions du Service Médical, il sera toujours un témoin privilégié et contribuera à apaiser les tensions.
     

  9. Cet entretien fera l’objet d’un compte-rendu adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Vous disposez de 15 jours pour le retourner, signé, accompagné d’éventuelles réserves. N’hésitez pas à apporter quelques précisions ou confirmer certaines observations déjà formulées lors de l’entretien.

 

 

 

Vous faire accompagner lors de votre contrôle d’activité

 

La procédure d’analyse d’activité est une procédure écrite. Tout ce que vous allez rédiger sera utilisé par le Service Médical. Il est donc fondamental de réfréner votre compréhensible impulsivité, qui pourrait vous conduire à expédier, voire bâcler, vos réponses, excédé(e) par la situation et l’importance de la tâche.

Parfaitement rodée à cet exercice, je peux vous dispenser des conseils utiles sur ce qu’il est bon de dire ou ne pas dire. Je peux ainsi vous aider à rédiger les tableaux de renseignements et vous préparer à l’entretien. Lors de votre audition, je peux assurer un accompagnement, certes bienveillant, mais surtout actif, ce qui permet souvent d’éliminer nombre d’anomalies, de diminuer l’indu et d’éviter certaines paroles qui pourraient vous desservir.

Vous souhaitez vous faire accompagner ? Contactez-moi.

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